Témoignage Création Catalane

Dernière entreprise artisanale des Pyrénées Orientales, spécialisée dans la fabrication d’espadrilles et de vigatanes (chaussures traditionnelles catalanes), Création Catalane a relancé en 2008 un savoir faire artisanal. Passion et énergie caractérisent Céline Albert, qualifiée Artisan d’Art et récompensée par la médaille du grade de Chevalier dans l’Ordre National du mérite, qui confectionne dans son atelier des espadrilles selon un procédé ancestral alliant tradition et modernité, tout en respectant une démarche RSE.

« Au départ, je n’étais pas destinée à faire des espadrilles, s’amuse Céline Albert, fondatrice de Création Catalane. J’ai travaillé en maison de retraite, puis j’ai décidé de passer le concours d’infirmière à Paris pour au final, revenir dans mon village à  Saint Laurent de Cerdans en tant que secrétaire dans une usine d’espadrille. »

Fleuron de l’industrie sandalière au XIX siècle, Saint Laurent de Cerdans ne comptait, à l’époque, pas moins d’une quinzaine d’ateliers de création d’espadrilles. « Puis l’industrie a perdu de sa vitesse et quand j’ai été embauchée dans l’usine il y a vingt ans, il ne restait plus que deux entreprises de création d’espadrilles sur le village : l’atelier où j’étais au secrétariat et un peu à le vente, et l’atelier de M. François Giraud, explique Céline Albert. Lorsque l’atelier où je travaillais a été racheté, j’ai du apprendre à coudre pour intégrer l’équipe de production. »

En 2008, François Giraud décide de prendre sa retraite et c’est à ce moment que Céline Albert décide de reprendre l’activité de M. Giraud avec une associée. Entretemps, l’usine dans laquelle travaillait Céline s’est retrouvée en liquidation, faisant de la jeune chef d’entreprise, le dernier artisan d’espadrilles des Pyrénées Orientales. « Nous avons racheté les machines de M. Giraud ainsi qu’à d’autres artisans. Nous avons dû rénover notre atelier dans une ancienne usine d’espadrilles et remettre aux normes les machines. Aujourd’hui, mon associée est sortie de l’aventure et nous sommes cinq personnes à la production, une personne au secrétariat et une saisonnière. Cela représente 18 000 paires d’espadrilles vendues à 80% via la boutique de l’atelier et notre site internet. »

Création Catalanes organise également des visites guidées de l’atelier et vend ses espadrilles jusqu’en Espagne et même à New York ! Le 11 juin dernier, Céline Albert a reçu la Médaille du grade de Chevalier dans l’Ordre National du mérite pour avoir réussi à perpétuer un savoir faire ancestral et 100% Made In France.

« Je suis un peu comme un chef d’orchestre. Il faut que je coordonne toutes les personnes qui travaillent avec moi et en même temps être à la production. La journée je travaille avec mes salariés dans l’atelier : je couds, je colle, je mets en forme… Et en même temps je dois assurer tout ce qui incombe à un chef d‘entreprise : gérer les salariés, les commandes, la vente, définir la lignée que je veux suivre et mes objectifs de l’année. Je m’éclate, je suis une grande passionnée et j’aime ce que je fais », confie la créatrice.

Etre artisan dans les campagnes reculées de France est une véritable vocation. « L’artisanat fait vivre des villages. Cela dépasse le cadre même de l’entreprise. Nous employons des personnes des villages et nous contribuons à la renommée de ces mêmes villages. Par exemple, nous organisons chaque année la Fête de l’Espadrille qui ramène de nombreux curieux. Cependant, aujourd’hui encore nous survivons plus que nous vivons », dévoile Céline Albert.

« Il ne faut pas compter ses heures de travail, ses congés et surtout, il faut savoir s’adapter. Il faut savoir se mettre en avant, se vendre, se présenter, parler de soi. On peut très bien travailler mais si on ne sait pas se vendre ça ne fonctionne pas. Il faut communiquer et savoir bien s’entourer. Après le départ de mon associée il y a peu de temps, c’est comme si je me réinstallais une deuxième fois, dix ans après. La chambre des métiers et mon cabinet de conseil et d’expertise comptable m’ont été indispensables. Comment racheter les parts de mon associée, quelle structure monter, fixer des objectifs… Avoir un regard extérieur et complémentaire est nécessaire. On ne peut pas tout connaître, il faut s’entourer de partenaires de confiance, notamment pour la gestion sociale de l’entreprise ».

« Il faut que je me batte au quotidien pour défendre le Made In France. Aujourd’hui vous trouvez des espadrilles pour cinq euros dans les supermarchés. Elles ne sont pas fabriquées en France et la qualité peut être moindre. Mon objectif est de continuer à faire perdurer, valoriser l’artisanat français et surtout transmettre nos savoir-faire. Mon équipe est jeune, dynamique et surtout ils sont intéressés. Ils sont là, et c’est déjà un pari de gagné. »

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